Les documents de licences Open Source ne sont pas forcément simples à lire mais le cadre contractuel d'une licence logicielle éditeur est encore plus complexe. Pour illustrer mon propos, vous trouverez ci-dessous, à titre d'exemple, l’analyse d’un contrat de l’éditeur CA sur le produit d’introspection applicative Introscope. Attachez vos ceintures, âmes sensibles s'abstenir : bien des industriels rêveraient d’imposer pareilles conditions à leurs clients !
De manière générale, un contrat de licence logicielle est difficile à appréhender car :
- Les compétences nécessaires à son interprétation sont multiples ;
- L’engagement que prend le client vis-à-vis de l’éditeur est souvent disséminé dans de multiples documents qui peuvent se contredire ;
- Il est susceptible d’évoluer d’un achat à l’autre, chaque licence acquise pouvant alors être assortie de clauses différentes ;
- Les modes de calcul des licences ne sont pas forcément limpides (un éditeur dont je tairai le nom est même allé jusqu’à proposer une formule utilisant une équation intégrale !) ;
- Les clauses concernant les licences sont rarement dissociables de celles concernant le support avec parfois des surprises tarifaires ;
- Les éléments du contrat sont rarement fournis explicitement au client qui doit, bien souvent, aller les chercher par lui-même sur Internet ;
- Les documents contractuels varient souvent d’un pays à l’autre.
Pour les besoins de l’exposé avec l'exemple de CA Introscope, je me suis limité aux environnements distribués.
Les licences Introscope achetées en France sont encadrées par le dispositif contractuel suivant, l’autorité de chaque document allant dans l’ordre décroissant :
- Avenant associé au bon de commande des licences et du support,
- Conditions spécifiques au produit pour la France fournies (Document Spécifique de Programme ou SPD de Licence),
- Contrat cadre CA générique pour la France en vigueur au moment de la souscription (CA Master Agreement),
- Politiques et conditions de support (CA Support Policy and Terms),
- La documentation du logiciel.
Sur le plan commercial, le client accepte :
- De participer à un communiqué de presse de l’éditeur concernant l’acquisition de ses produits et services ;
- D’échanger, en qualité de référence commerciale de l’éditeur, avec un maximum de 4 clients ou prospects par an.
Pour les environnements distribués, une licence Introscope est nécessaire pour chaque processeur. Le coût de la maintenance est également proportionnel au nombre de processeurs (CPU).
Calcul du nombre de CPU en environnement serveur non virtuel :
- On compte le nombre de CPUs (Central Processing Units) ;
- Une unité centrale à double cœur (« dual-core ») est considérée comme une seule CPU ;
- Avec des CPUs à plus de 2 cœurs :
- On compte le nombre total de cœurs des CPUs,
- Que l'on divise ensuite par 2 puis qu'on arrondit à l'entier supérieur.
Calcul du nombre de CPU en environnement serveur virtuel :
- On comptabilise les CPUs comme en environnement physique ;
- On détermine ensuite le pourcentage maximum de capacité CPU du serveur qui est alloué par la technologie de virtualisation à toute instance de système d’exploitation contenant des applications supervisées par le logiciel CA ;
- On multiplie ce pourcentage par le nombre de CPUs ;
- Enfin, on multiplie ce résultat 1,5 puis on arrondit à l'entier supérieur.
En environnement mixte, il convient d’additionner les valeurs trouvées pour les machines physiques et virtuelles. Vous voyez, c’est simple…
Le territoire d’utilisation est la France entière (sans précision si cela ne concerne que la métropole). Le Client peut transférer le logiciel CA sur un nouveau matériel, site ou localisation dans le territoire défini sous réserve de notification écrite à CA. Un tel transfert peut être sujet à des redevances additionnelles.
Il est interdit de dupliquer le logiciel, sauf en prévision d’une reprise à froid après sinistre. La maintenance du logiciel dans un environnement de reprise à chaud est payante et l’utilisation additionnelle à des fins de reprise est payante.
Il est interdit de :
- Modifier le produit ou d’en créer un produit dérivé ;
- Louer, vendre, céder en crédit-bail le produit ;
- Utiliser le produit pour fournir des services à un tiers ;
- Supprimer toute indication de la propriété de CA sur le produit ;
- Réaliser des travaux d’ingénierie inversée sur le produit.
L’éditeur dispose du droit d’accès aux installations informatiques et registres du client, ainsi que de ses filiales, pour contrôler le respect du contrat, jusqu’à 3 ans après sa résiliation. En cas de dépassement de la limite d’utilisation du logiciel, le client accepte de payer à CA le surcoût correspondant.
Sauf en cas de décès ou de dommage corporel, la responsabilité de CA est limitée au montant des redevances payées par le client à l’exclusion de la maintenance. La responsabilité de CA concernant les dommages est limitée à 300 000 € par événement ou série d’événements. CA n’est jamais responsable des dommages indirects tels que pertes de revenu, de profit ou de données, même s’il en a été avisé par avance.
L’éditeur garantit que son logiciel est conforme à sa documentation pendant les 30 jours suivant son acquisition s’il est utilisé dans un environnement supporté par l’éditeur (de quoi laisser rêveur un constructeur aéronautique). Si CA manque à son devoir de conformité du produit durant la période de garantie, il a le choix entre :
- Déployer des efforts raisonnables pour réparer le produit,
- Remplacer le produit par un équivalent,
- Résilier la licence et rembourser le client au prorata.
Cette garantie et ces recours ne sont applicables que si :
- Le défaut est raisonnablement reproductible par CA ;
- Le client signale le défaut par écrit sous 30 jours avec une précision suffisante ;
- Le client fournit de l’assistance pour le diagnostic et la résolution ;
- Le produit est couvert par la garantie ;
- Le client a fait toutes les mises à niveau fournies par CA (cela implique-t-il de souscrire la maintenance sans laquelle ou perdrait du coup le droit de recourir à la garantie ?) ;
- Le client s’est conformé à ses obligations contractuelles et à la documentation ;
- L’erreur ou le défaut est le fait de CA.
Il n’y a aucune garantie en termes de qualité, vice caché, performance ou adéquation avec un besoin particulier. CA ne garantit pas que le logiciel et sa maintenance répondront aux exigences du client. La maintenance de l’éditeur est en effet soumise à une obligation de moyens.
Si une juridiction étend les conditions de garantie :
- Elles sont limitées en durée à la période de garantie spécifiée pour le produit (c'est-à-dire pendant les 30 jours suivant son acquisition) et la maintenance ;
- Le recours du client se limite à la réparation ou au remplacement du produit non conforme.
CA conserve tous les droits de propriété sur le logiciel, sa documentation et les dérivés. Le client s’engage à respecter cette propriété :
- En n’en communiquant rien à des tiers (quid des prestataires de service qui doivent, par exemple, installer le produit à la demande du client ?),
- En prenant les dispositions nécessaires auprès de ses employés qui y accèdent.
Le client ne peut pas céder le contrat et les produits à un tiers sans l’accord écrit de CA. Gare donc aux fusions et acquisitions d’entreprise (voir l'article Restructurations d’entreprise : attention aux actifs logiciels) ! En revanche, CA peut céder le contrat à un tiers en en notifiant le client par écrit.
Les redevances de licence et de support ne sont ni résiliables après commande, ni remboursables après paiement. Tout retard de paiement au-delà du délai contractuel entraine des pénalités égales à trois fois le taux d’intérêt légal. Pour tout retard de paiement supérieur à 30 jours, CA se réserve le droit de suspendre la maintenance jusqu’au paiement intégral.
Le client peut résilier le contrat :
- Par lettre recommandée AR avec préavis de 30 jours,
- Si CA ne respecte pas ses obligations et ne parvient pas y remédier dans les 60 jours suivant la notification.
CA peut résilier le contrat :
- Par lettre recommandée AR avec préavis de 30 jours si le client ne respecte pas ses obligations et ne parvient pas à y remédier dans les 60 jours suivant la notification,
- Immédiatement et sans formalité si le client est dans l’incapacité de réparer raisonnablement la violation.
La résiliation du contrat ne libère ni CA ni le client de leurs responsabilités antérieures à la résiliation. Les montants dus à la résiliation sont immédiatement payables en prenant en compte la compensation à laquelle le client pourrait avoir droit.
A la résiliation :
- Toutes les licences d’abonnement et la maintenance sont suspendues ;
- Les licences perpétuelles sont révoquées si la résiliation est demandée par CA à cause du non respect des engagements du client ;
- Toutes les copies et installations des produits concernés doivent être détruites par le client ou retournées à CA,
- Le client doit certifier par écrit cette destruction.
Le client peut réactiver la maintenance non renouvelée en payant 150% du coût de la maintenance de chaque année passée sans maintenance.
Si un tiers affirme que le logiciel CA enfreint une loi, un brevet ou un droit d’auteur, CA défendra le client à ses frais si le client :
- Notifie immédiatement CA ;
- Permet à CA de contrôler la défense et les négociations ;
- Coopère avec CA ;
- Est un abonné de la maintenance.
CA peut engager toute action qui permette au client de rester dans la légalité, jusqu’à la résiliation.
CA ne peut être tenu responsable si :
- Cela est dû à une modification non autorisée du produit ;
- Le logiciel CA n’est pas utilisé conformément au contrat ou à la documentation ;
- Le produit n’est plus supporté par CA ;
- L’application de correctifs CA aurait pu éviter l’allégation de violation ;
- Si celle-ci résulte d’une utilisation avec un autre produit non fourni par CA.
CA et le client s’engagent à préserver la confidentialité des informations qu’ils s’échangent, sauf si ces informations :
- Sont nécessaires à des avocats, comptables ou conseillers financiers de l’autre partie ;
- Sont rendues publiques par leur propriétaire ;
- Sont tombées dans le domaine public ;
- Doivent être divulguées sur injonction de la justice (le propriétaire doit alors en être informé).
CA peut fournir les données confidentielles du client à ses fournisseurs, revendeurs et distributeurs, s’ils ont une obligation de non divulgation et non utilisation de ces données.
L’obligation de confidentialité courre pour une durée de 5 ans à partir de la divulgation initiale de l’information.